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Les femmes en intérim : Quelle est leur place ?

En intérim, les femmes ne représentent qu’un tiers des effectifs. Pourtant, au fil des années, celles-ci se sont bien intégrées dans le secteur du travail temporaire qui était, il y a encore quelques années, très majoritairement masculin.

Charlotte LAFRANCESCA

Dec 02, 2020 9 min de lecture

En matière d'emploi, les femmes ont toujours été sous représentées par rapport aux hommes. Heureusement, les disparités se réduisent puisque les femmes représentent aujourd'hui 48% de la population active contre 34% il y a encore 50 ans. En revanche, elles sont en moyenne plus nombreuses que les hommes à contracter des emplois précaires puisque 62% d'entre-elles occupent des emplois dits « atypiques » (intérim, CDD, contrats aidés, temps partiel...) (1). Et pourtant, l'année dernière elles ne représentaient encore que 37% des intérimaires.

Nous avons rencontré des femmes intérimaires qui nous ont fait part de leur situation. Pourquoi travaillent-elles en intérim ? Quelles sont les métiers qu’elles plébiscitent ? Comment se sentent-elles actuellement avec la situation sanitaire ?Finalement, quelle est la place des femmes dans ce secteur à dominante masculine ?

Quelques chiffres sur les femmes dans l’intérim

Seule une région sur 13 emploie plus de femmes intérimaires que d’hommes et c'est la région Occitanie Pyrénées Méditerranée qui détient ce record, devançant largement toutes les autres régions qui se rapprochent davantage des 30 à 35% de femmes intérimaires (2).

En matière d'intérim, on note également que les femmes occupent plutôt des professions d’employées ou de techniciennes, contrairement aux hommes qui occupent principalement des fonctions d’ouvriers. Par ailleurs, selon un rapport de l’Observatoire de l'Intérim du Recrutement (OIR), les femmes intérimaires sont plus diplômées que les hommes. 11 % d’entre elles possèdent un niveau supérieur à Bac+3 contre 5 % des hommes.

Et en terme de satisfaction, 21 % des femmes sont satisfaites du mode de vie procuré par l’intérim contre 10 % des hommes qui semblent donc moins plébisciter leur statut (3). Les femmes attachent en effet plus d’importance à la formation et aux compétences acquises grâce à la variété des emplois exercés (6 % contre 3 % des hommes).

Malgré ces quelques chiffres évocateurs, nous allons maintenant prendre connaissance des témoignages de ces femmes intérimaires pour comprendre les tendances.

Qui sont ces femmes en intérim ?

Elles travaillent exclusivement en intérim, elles sont étudiantes, ou à temps partiel. Qui sont ces femmes intérimaires et que pensent-elles de l’intérim ?

Ces femmes intérimaires sont étudiantes

Les étudiantes qui travaillent dans l’intérim le font principalement pour financer une partie de leurs études. Flavie, étudiante à Lyon nous le confirme : « Je fais de l'intérim à coté pour combler les fins de moi. »

L’intérim est également plébiscité car le statut s’adapte facilement à leur emploi du temps. Selon Jémima, étudiante dans le Nord de la France, cette fléxibilité est déterminante : « J'ai choisi l'intérim par rapport à mon emploi du temps à l'école étant donné que je fais les deux en même temps (école et travail). »

L’intérim comme fonction principale pour ces femmes actives

Sarah, elle, fraîchement diplômée débute sa vie professionnelle. Elle a obtenu son Master en géologie en 2020 et a choisi la voie de l’intérim. « Il s'agit de ma première mission intérimaire. Je suis intérimaire depuis 2 mois et demi. Je suis géologue dans le domaine des mines et carrières ».

Cependant, l’intérim au féminin n’est pas uniquement destiné aux femmes peu expérimentées. Sylvie est Assistante Secrétaire dans le bâtiment et travaille en intérim depuis fin 2017. « J’ai 51 ans, j'exerce le métier de secrétaire dans le bâtiment ».

Tout comme Bérangère, Assistante Juridique sur Paris. « Je suis intérimaire depuis 2014. J’ai commencé à l’âge de 45 ans. Pendant plus de 20 ans, j’ai été très stable dans ma vie professionnelle. L’intérim a été un moyen d’évaluer mes compétences au sein de structures autres que les cabinets d’avocats »

Un second emploi pour les femmes à temps partiel

D’autres admettent que l’intérim est avant tout un supplément d’emploi en cette période difficile. « Mon objectif est un complément d'emploi. Je connaissais l'intérim et je n'avais pas d'a priori particuliers. Je cherche juste un complément de salaire. » nous explique Blandine, infirmière à temps partiel qui occupe un second emploi temporaire.

Quelles sont les professions de ces femmes intérimaires ?

À en croire les chiffres, les femmes intérimaires occupent principalement des fonctions dans le domaine du tertiaire. Ce secteur regroupe en effet 87,8% de femmes.

D’après l ‘Observatoire de l’intérim, les métiers les plus sollicités par les femmes sont des postes de Secrétaire, Vendeuse, Aide-Soignante, Assistante RH ou Comptable. Sylvie est effectivement Secrétaire, mais dans un domaine plus masculin. « Le bâtiment est un domaine qui me passionne. En tant qu'intérimaire, j'ai eu la chance d'avoir un titre qui correspondait vraiment à ce que je faisais. Auparavant j'étais employée administrative. Ma charge de travail et responsabilité étaient tout autre. »

D’autres vont même jusqu’à passer le CACES pour devenir plus employable sur certains postes techniques. C’est le cas de Jade, en sortie d’études : « En intérim j’ai exercé plusieurs métiers, agent logistique, agent de tri-routage, inventoriste, agent d’accueil, agent d’enquête, hôtesse de caisse, agent de quai, et là je suis actuellement préparateur de commande Caces 1 ».

Même si les femmes plébiscitent davantage le tertiaire, elles n’hésitent pas à s’imposer dans des secteurs à dominante masculine.

Quelles compétences ont-elles développées grâce à l’intérim ?

Une chose est certaine : Elles voient l’intérim comme un atout et non une faiblesse. L’intérim leur permet de compléter leur formation ou de bénéficier d’une expertise précise et complémentaire. Jémima nous l’explique. « Je percevais l'intérim comme une opportunité d'acquérir une expérience dans plusieurs domaines et dans un temps bien défini. »

Sylvie apprécie ses compétences acquises en tant qu’intérimaire. Elles sont, pour elles, avant tout humaines. « J'ai appris plein de choses […] j'ai tout découvert sur place, c’est stressant. J'avais peur que l'on me dise : Vous ne maîtrisez pas donc on arrête. Eh bien non, j'ai eu de la chance de tomber sur des gens humains ».

Flavie, qui a découvert ce domaine par le biais de jobs étudiants, ne regrette pas cette expérience. « En termes de compétences, j'ai pu découvrir le domaine de la vente, de la préparation des commandes ainsi que de l'agro-alimentaire. Ces expériences sont enrichissantes et bénéfiques pour mon CV. »

Les femmes sont d’accord sur un point : L’intérim leur ouvre des portes vers des compétences qu’elles auraient eu plus de difficultés à obtenir avec d’autres contrats. Elles définissent ceci comme une porte d’entrée avant de pouvoir prétendre à des emplois plus stables. Pour Bérengère, l’intérim est même devenu un choix de vie qu’elle assume. « À plusieurs reprises j’aurai pu avoir l’occasion d’accepter un CDI sur des postes que j’occupais. Mais la vie d’intérimaire est celle qui me convient pour le moment du fait de la liberté qu’elle me procure dans le choix de mes missions. »

Pourquoi ces femmes ont-elles choisi l’intérim ?

La flexibilité de l’intérim comme atout numéro 1

6% des femmes travaillent dans l’intérim car cela leur permet d’acquérir plusieurs expériences avant de se fixer sur une orientation professionnelle. Elles adhèrent au statut et aux avantages (rémunération, rythme de travail, nature des postes) à 22%, contre 17% pour les hommes (4). Jémima nous confirme que la flexibilité est un atout indéniable : « Travailler en statut d'intérimaire m'a permis de faire plusieurs missions et dans différents endroits. Je dois être flexible et m'adapter au fonctionnement de l'équipe que j'intègre. »

Pour de nombreuses intérimaires, le secteur présente un bon nombre d’avantages. « On est libre de ne pas revenir où arrêter. Nous ne sommes pas tenues par un contrat, trop engageant lorsqu’on se trouve en situation instable. » nous explique Sylvie. Cependant elle ne désespère pas de retrouver un jour une situation plus confortable. « J'ai besoin de stabilité, là j'ai peur de tout perdre et finir à la rue, cela me mine terriblement. Je n'ai pas de vision sur l'avenir surtout en cette période ».

Même avis pour Sarah, intérimaire débutante :« J'ai choisi l'intérim car je trouve que c'est très flexible et sans trop de contraintes. En effet, je peux avoir du temps pour mes projets. Mon premier objectif était de m'insérer dans le milieu professionnel et d'avoir une première expérience. De nos jours, un des critères d'embauches est l'expérience (1 - 2 ans...). »

L’intérim ouvre des portes aux femmes moins qualifiées

Jade salue la diversité des missions proposées par le domaine du travail temporaire : « J’ai choisi l’intérim car ce sont en général des missions de courtes durées. Il y a beaucoup d’emplois qui ne demandent pas de qualification spécifique. »

Cependant, pour bon nombre d’entre elles, cette situation est temporaire. Sarah reste réaliste sur le statut précaire que l’intérim engendre. « Être intérimaire est très instable au vu du contexte actuel. Pour l'achat d'un bien quelconque ou pour la recherche d'un logement, c'est super compliqué. J'ai toujours vu l'intérim comme une porte de secours. Néanmoins, en discutant avec les personnes présentent dans la boite, beaucoup ont commencé en étant intérimaire et ils ont bien évolué. L'intérim offre des possibilités d'apprendre de nouvelles compétences et offre des perspectives d'évolutions dans certains cas. »

Quelle a été leur situation pendant la Covid ?

Le domaine de l’intérim a été touché de plein fouet par la crise économique et sanitaire. Même si le second confinement impacte moins le travail temporaire (5 à 10% de baisse de l’activité alors qu’elle était de 80 % en mars dernier), certains intérimaires peinent toujours à s’en sortir.

Sylvie, Assistante en bureau d’études, a vu son emploi s’arrêter net durant le premier confinement. « Avec la Covid, la mission que j'avais débuté début janvier a été stoppée nette le 17 mars et ma mission pour une entreprise de TP d’avril a été totalement annulée. Je n'ai réussi à retrouver du travail que début juillet. J’avais déjà travaillé avec eux il y a 25 ans, ils ont su que j'étais disponible, ils m'ont contacté ».

Pensent-elles qu'il existe des inégalités hommes / femmes ?

« C'est vrai qu'en tant que femmes nous rencontrons toujours à notre époque des inégalités pour parfois être entendues ou pouvoir avoir la chance que l'on nous ouvre certaines portes. ». Sylvie.

Les inégalités salariales persistent pour les femmes, même dans l’intérim

Au sujet des inégalités salariales, l’intérim ne fait pas figure d’exception. Les femmes sont pourtant plus disposées à se former et ont un niveau de qualification plus élevé. Cependant les postes qu’elles occupent requièrent moins de diplômes ou de qualifications techniques par rapport aux hommes. À poste et expériences équivalents, les femmes touchent en moyenne 12,8% de moins que les hommes (5). Par ailleurs, les hommes restent sur-représentés dans certains secteurs d’activités plus manuels. Même si le secteur tertiaire est le principal utilisateur de l’emploi intérimaire (42%), l’industrie et la construction (38 % et 20%) sont des secteurs plus occupés par les hommes (6). Ce qui peut expliquer cette domination masculine.

« C'est aberrant de savoir cela », précise Sylvie. « Les femmes sont autant capables que les hommes de travailler dans différents domaines. Il faut juste leur ouvrir les portes pour qu'elles démontrent leurs compétences et capacités ».

1 seule région française emploi plus de femmes que d’hommes intérimaires

Sarah n’est pas étonnée de savoir qu’une seule région française regroupe plus de femmes que d’hommes. « Cela ne m'étonne guère. Pour moi l'intérim est souvent lié à des travaux très lourds physiquement et demandant une flexibilité maximale. Je ne comprends pas pourquoi 1 seule région sortirait du lot. Je vois deux explications : soit cette région a plus de femmes que la moyenne soit les emplois ouverts ont une connotation "féminine". De nos jours, je trouve ça regrettable de tout catégoriser. Mais même moi je le fais... "

D’après l’Insee, ces inégalités vont au-delà du salaire et des professions. Alors que 65% des hommes de 15 à 64 ans sont en emploi à temps plein, seules 43% des femmes le sont (7).

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Ces femmes ont toutes des raisons différentes d’adhérer au secteur de l’intérim. Par contre elles s’entendent sur une chose : Les bénéfices engendrés par ce type de contrat. Les femmes ont généralement une bonne perception de l’intérim. Même si elles le voient comme précaire, elles connaissent tous ses bénéfices.

« L’intérim m’apporte une diversité tant au niveau des domaines d’application juridiques dans lesquels je dois évoluer, tant au niveau des rapports humains qui me semblent ne pas être les mêmes qu’en CDI (moins tendus, plus respectueux notamment).», précise Bérangère.

Même si la situation s’est grandement améliorée depuis les années 60, les femmes demeurent légèrement défavorisées sur le marché du travail. Certains préjugés persistent tels que la maternité, les difficultés de management des femmes, les querelles... Et pourtant, on aperçoit tout de même au fil des années de belles évolutions. Les femmes ont de moins en moins peur de la précarité au travail, savent plus facilement jongler entre plusieurs missions et trouvent même leur compte en travaillant en tant qu’intérimaire. Finalement, des intérimaires telles que Bérangère, balaient les préjugés liés à la forme de contrat précaire et défendent l’intérim honnêtement.

« J’ai toujours été intéressée par l’intérim mais les notions de précarité, de l’inconnu et peut-être un manque de confiance faisaient que je ne me l’autorisais pas. Avec du recul, je regrette de ne pas avoir tenté l’expérience plus tôt. »

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(1) Dares.travail Emploi.Gouv - Septembre 2020

(2) Ecomnews - Mars 2019

(3) (4) Observatoire Interim Recrutement - 2015

(5) Inégalités.fr - Janvier 2017

(6) Insee - Statistiques - Octobre 2019

(7) Insee - Statistiques - Mars 2018

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